Un signifiant nouveau
Face à la machine vivante venue pour les tuer,
ils ont placé leur corps devant celui de l’autre
et ouvert leurs portes à la déroute en fuite.
Ils ont trouvé les mots que l’on croyait perdus
pour ceux qui ne sont plus …, tous réfugiés.
Ils sont de toutes les races, les milieux, les religions,
Témoins vivants d’une éternelle absence,
pour prendre la parole, partager la douleur
et panser les blessures de leur humanité.
Ils chantent La Marseillaise, le chant des Patriotes,
et se tiennent en silence autour des lieux blessés.
Ils portent une lumière,
et leur corps en cercle comme une chapelle ouverte
autour du vide de sens recrée le lien sacré,
et fonde le lieu de l’Autre.
Actualités des séminaires
Art et psychanalyse : une visite au LAAC
Nous nous sommes retrouvés au musée du LAAC de Dunkerque à l’invitation de Jean-Marie BEDORET pour découvrir le travail de Françoise PETROVITCH.
Voyons-Voir est le parti pris de la démarche du conservateur Richard SCHOTTE. Dès l’abord ce petit trait d’union fait chuter l’impératif et le défi de l’expression Voyons voir pour s’ouvrir aux regards croisés d’une interprétation réciproque des toiles, à une confrontation voire à une provocation qui creuse l’abîme des paradoxes. Ainsi chaque salle est une séquence qui juxtapose le réalisme d’une toile à sa forme décantée, symbolisée par une autre, ou, le dévoilement du multiple dans le secret de l’unité d’un visage… Cette mise en dialogue des toiles nous apostrophe à chaque fois différemment.
Nous nous sommes arrêtés devant un triptyque de Françoise PETROVITCH : deux jeunes garçons et une fillette au squelette. Celui-ci est pris entre, d’un côté, l’immensité d’une toile de Bernard RANCILLAC, toile puissante, colorée qui révèle la musculature de footballeurs lancés vers le but avec dans leur ligne de mire ces trois fragiles esquisses, et, de l’autre côté, une œuvre de François ARNAL Bombardement où ne subsiste d’un corps que la trace blanche sur le sol.
Entre la vie et la mort, trois corps fragiles, transparents, muets, trois regards perdus. Françoise PETROVITCH se tient à la limite entre présentation et représentation, entre un monde intérieur et un monde organique ; une prise dans le réel.
Dès lors le langage trébuche, à chaque fois rattrapé par la butée d’un déchiffrage qui ne se prête pas au temps de la parole. Chaque élément vient en opposition non pas d’une façon binaire mais frappé du sceau de l’incertitude, en déliaison constante avec ce qui serait une interprétation ultime. A la danse macabre d’Halloween s’oppose le visage tragique des enfants, aux « vanités » qui rappellent la fuite du temps, il n’existe, ici, nul signe pour exprimer l’orgueil du vivant. Ces trois enfants endossent un squelette comme un habit troué, laissant voir l’essence même de la toile, sa texture, son support ultime.
« C’est un choc, nous sommes choqués au sens littéral du terme, commente Jean-Marie BEDORET, certains supportent mal cette secousse et rejettent l’œuvre, la ravalant au rang d’un ratage ». Un ratage, oui, mais un ratage fondamental.
Indéniablement touchés par la « douleur d’exister » de ces trois personnages, ils nous sont apparus comme porteurs de l’écriture d’un trauma infantile indépassable, celui du sexe et de la mort. Ils deviennent une métaphore, un cri d’alarme d’un monde fou où un avenir heureux et prometteur ne s’inscrirait plus sur les visages des enfants.
La place de l’art et de son pouvoir d’aiguillon sont au LAAC réinterrogés. Il y a là, la mise en œuvre de l’imaginaire qui pousse la pensée dans ses replis les plus secrets, l’art de l’entre-aperçu, de « l’entre-voir ». A suivre…
Isabelle DHONTE