On sait que Lacan s’adressait à « tous », en prenant, bien sûr, à témoin les analystes. Aussi est-il permis de supposer que dans cette adresse, il allait à l’encontre de tout rassemblement où l’on se retrouverait « entre soi »,
indiquant ainsi la condition nécessaire pour que l’enseignement de la psychanalyse ne se dégrade pas en une pratique initiatique réservée à ceux qui auraient partagé la même expérience.
L’enseignement de la psychanalyse requiert ainsi un espace où l’analyste est appelé à élaborer ce qui, de la spécificité de son expérience, est susceptible d’être transmis, par delà la simple fascination qu’elle pourrait susciter. Certes, il y a un savoir qu’on ne peut produire qu’à la condition d’en avoir payé le prix, mais il est attesté que ce savoir ne peut valoir que dans l’adresse à tous, avec cette gageure que chacun y entende ce qu’il peut.
À cet effet, je prends l’initiative de la constitution de l’École Psychanalytique du Nord, du Pas-de-Calais et de la Somme, dont le but est de promouvoir un enseignement qui, loin d’instaurer un savoir ésotérique, susceptible de nous conforter dans des positions de maîtrise et de notabilité, tâchera de faire en sorte que nous ne soyons pas enclins à nous enfermer dans notre tour d’ivoire.
Évidemment, nous ne sommes jamais à l’abri d’un détournement initiatique, mais il me semble que la finalité de l’École, c’est de veiller à ce qu’il ne se forme pas cette sorte de démarcation entre ceux qui seraient dans le secret des dieux, et les autres. Il y va même de la rationalité de la psychanalyse dont la validité ne saurait être assurée entre les seuls « adeptes ». Si la fin de l’analyse conduit à la désupposition du savoir, ainsi qu’à l’absence de garantie, cela n’implique pas qu’il faille se trouver dans cette position d’extra-territorialité de non-savoir ; cela implique que l’analyste peut, au contraire, se mettre au travail à partir de cette désupposition même, ce qui n’est pas sans donner toute sa pertinence à la notion de transfert de travail, car il faut bien dire que c’est dans la mesure où il se met en position d’être enseigné que l’analyste peut espérer situer son rapport à l’enseignement de Freud et de Lacan, sans se trouver pour autant mortifié.
C’est dans cet esprit que l’École assume son affiliation à l’Association Freudienne Internationale et se réfère à elle pour toute question relative à la qualification des analystes. Sur cette base sera créée une Association (Loi 1901) qui organisera le cadre juridique nécessaire au fonctionnement de l’École.
Je vous invite à vous joindre à moi et à quelques autres, pour qu’ensemble nous puissions oeuvrer au développement de la psychanalyse. »
Elie Doumit.
Lille, le 22 janvier 1997.