En préliminaire, cet exposé m’a été inspiré par la montée des totalitarismes – en correspondance avec des ouvrages tels que Le meilleur des mondes d’Aldous HUXLEY ou d’autres moins connus : Nous de Evgueni ZAMIATKINE ou Soleil chaud – Poissons des profondeurs de Michel JEURY.
Également dans les suites de nos journées du 22 et 23/11/14 : Pourquoi la psychanalyse aujourd’hui ? Où j’avais opposé dans un article le statut de l’image et celui de la représentation. L’image étant du côté de l’identité, tandis que l’identification me semble être du côté de la représentation.
Les identifications sont multiples. Nous sommes le réceptacle des apports de ces identifications multiples. Ce sont ces identifications successives qui nous façonnent. C’est ce que Lacan nous indique dans sa leçon du 06/12/61 : “ que le signifiant soit fécond de ne pouvoir être en aucun cas identique à lui-même “.
L’identité nous désigne mais elle ne dit rien sur ce qui nous constitue. Elle ne permet pas au sujet d’exister.
Ce sont bien sûr les identifications qui intéressent au premier chef le psychanalyste, qui consacre beaucoup d’énergie à les débusquer chez son analysant. Les identifications animent la dynamique du transfert ou plutôt des transferts.
A première (courte) vue, avoir une identité est rassurant. Votre identité vous distingue de celle d’un autrui de façon assurée. Il apparaît qu’elle vous donne à priori une consistance qui peut vous servir de carte de visite. Elle peut vous servir de sauf-conduit. Elle vous permet d’être repéré et vous garantit une place. Elle correspond à ce thème du même que Lacan développe dans la première leçon de son séminaire L’identification.
Lui sont attachées un certain nombre de caractéristiques qui font les choux-gras de ceux qui souhaitent recueillir vos données personnelles dans un but utilitaire et commercial.
Être soi-même est le zénith de l’affirmation de soi ; à savoir que dans cette fallacieuse perspective, le sujet se suffit à soi-même (et non à lui-même), en toute ignorance de ce qui l’a constitué.
Bien sûr une identité peut être factice ; elle n’est pas pour autant de l’ordre du semblant. A la différence des identifications qui opèrent gaillardement dans cette aire du semblant. Il arrive que l’habit fait le moine (au sens de ce qui l’habite).
Il y a deux façon d’aborder le thème de l’identité. La première est celle que se cherche le sujet, telle que développée par Charles MELMAN dans plusieurs textes : Représentation, Réel et Identité dans le Marché de l’identité ou Comme je même dans le N°6 de La Célibataire du printemps-été 2002. Celle également que développe Jean-Pierre LEBRUN dans : L’identité n’est plus ce qu’elle était, à savoir une identité sans séparation avec un individu “ qui n’est plus assujetti au social, mais qui l’organise à son gré et selon sa propre référence “. La seconde est celle que le socius nous indique et nous impose. C’est cette dernière que je souhaite développer.
En ce qui concerne la première, dans la séance du 13/12/61, Lacan nous met en garde : “ En aucun cas le sujet ne saurait être réduit à un rêve du monde “. Dans celle du 21/02 62 : passer “ des vertus de la norme aux vertus de l’exception a ses limites “ . Aussi bien nous invite-t-il, dans celle du 28/02/62, à passer de l’unité unifiante, l’Einheit, à l’unité distinctive, l’Entsigkeit.
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Au départ la religion et la question du pourquoi – puis la science et la question du comment. La psychanalyse s’intéresse à la fois au pourquoi ( cf la question des origines ) et au comment. L’identité est du côté du pourquoi ( ce qui lui confère ses aspects de radicalité ), tandis que l’identification est du côté du comment.
Deux petits détours dans un imaginaire
Observons une œuvre d’art. Que nous le recherchions ou non, nous sommes amenés à percevoir des traits signifiants : ce qui a inspiré l’artiste, les modèles qui sont les siens, un message transmis… Ces traits signifiants sont manifestement du côté des identifications. Mais il est de aspects que nous pouvons déceler, qui font que nous sommes intimement persuadés de ne pas nous tromper en attribuant précisément cette œuvre à cet artiste. Ce coup de patte constitue son identité.
En pleine mer vous cherchez à éviter un obstacle ou à rentrer dans un port. Vous allez vous repérer par rapport à une bouée, un phare ou un clocher. Ce sont là autant d’amers qui vont vous permettre de ne pas vous laisser dériver. Il en va différemment si vous vous mettez au mouillage. Vous allez stationner sur des fonds marins et tout ce qui y grouille. Votre ancre va racler le fond et s’y fixer, sans que pour autant votre esquif soit immobile.
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Identifications et identité ont un rapport différent au temps. Les identifications sont partie prenante de l’histoire du sujet ( cf ce qu’indique Lacan dans sa leçon du 22/11/61 au sujet d’une diachronie de droit concernant l’articulation des lois du significant ).
Si les identifications sont versant diachronie, l’identité est plutôt versant synchronie, dans l’ici et maintenant. Certes vous pouvez avoir plusieurs identités mais elles sont successives. À l’instant t vous n’en avez qu’une.
L’identité est de l’ordre de l’Un. Cette question de la problématique de l’Un et de l’Autre a été développée par François WAHL dans le N° 6 de la Célibataire : “ L’identité est un symptome, mais il faut bien qu’on en ait une “. Dans l’identité Un marché de la science, Marie JEJCIC indique que : “ La technologie scientifique fait virer l’identité à l’identique et l’identique se rassemble “.
Vous n’avez ( en principe ) qu’une carte d’identité. Identifier quelque chose ou quelqu’un, c’est le reconnaître. Lui demander ou lui fournir une identité, c’est le repérer. En lui conférant une place, nous le réifions.
Dans un article du Marché de l’identité intitulé Pourquoi les paranoïas d’identité forment-elles un marché ?, Pierre Christophe CATHELINEAU évoque : “ L’incorporation relève d’un temps logique où l’Autre se trouve assimilé par le Sujet d’une façon réelle et c’est à ce titre que nous lui donnons le nom d’identification réelle “. De fait si les identifications nous constituent, l’identité nous est imposée. Notre marge de manœuvre est ici réduite ; si tant est que nous en ayons une.
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Cet Un étant distinct du trait unaire qui supporte la chaîne signifiante. Ce trait unaire correspondant à ce que Lacan désigne comme foncière structure de l’Un comme différence, à partir duquel le signifiant peut se constituer.
Cet Un implique un intangible. Cet intangible évoque ce qui revient toujours à la même place ; à l’égal d’une planète autour de son soleil. Elle est vouée toujours au même déplacement ; à l’égal d’une étoile dans une galaxie.
Ainsi donc l’identité implique une fixité – pas une immobilité. En sa substance gît un Réel – en sa substance et non en son existence, sa consistance ou sa subsistance. En correspondance avec ce qu’indique Pierre NAKIMOVITCH dans le numéro 6 de la Célibataire – Identité et non dualité : “Ni constance, ni persistance, ni consistance de la personne “.
Ce que je rapprocherai de ce qu’indique Martine Lerude dans : Personne à risque, dans le Marché de l’identité quand elle parle de nomination gelée et de ce qu’indique Lacan dans son séminaire en évoquant la prégnance de i(a) et du Moi Idéal.
Une identité vous est allouée. A partir du moment où elle vous est décernée, vous êtes prié de ne plus bouger. Vous pouvez toujours revendiquer qu’elle ne vous convient pas ; il vous est impossible d’en changer ; hormis le bon vouloir d’un Autre hypothétique.
L’ identité peut changer. Il peut y en avoir une première, puis une seconde, puis… Mais la seconde ne modifiera pas la première. A la différence des identifications, les identités sont des additions de Uns.