On sait que Lacan s’adressait à « tous », en prenant, bien sûr, à témoin les analystes. Aussi est-il permis de supposer que dans cette adresse, il allait à l’encontre de tout rassemblement où l’on se retrouverait « entre soi », indiquant ainsi la condition nécessaire pour que l’enseignement de la psychanalyse ne se dégrade pas en une pratique initiatique réservée à ceux qui auraient partagé la même expérience.
L’enseignement de la psychanalyse requiert ainsi un espace où l’analyste est appelé à élaborer ce qui, de la spécificité de son expérience, est susceptible d’être transmis, par delà la simple fascination qu’elle pourrait susciter. Certes, il y a un savoir qu’on ne peut produire qu’à la condition d’en avoir payé le prix, mais il est attesté que ce savoir ne peut valoir que dans l’adresse à tous, avec cette gageure que chacun y entende ce qu’il peut. Lire la suite…
M. Élie Doumit, né le 13 août 1936 à Knaitt au Liban, est décédé ce lundi 29 mars 2021 à Lille. Élève de Lacan, il suivit son séminaire, et membre de l’Association Lacanienne International, M. Doumit exerçait la psychanalyse à Lille, Rabat et Casablanca.
En 1997, M. Doumit fonde l’Ecole Psychanalytique du Nord, devenue École Psychanalytique des Hauts de France-membre de l’ALI.
Titulaire d’un doctorat de philosophie des sciences, M. Doumit a enseigné l’épistémologie et la psychanalyse à l’Université Charles De Gaulle à Lille.
M. Doumit a fait paraître récemment deux livres aux EME Éditions : « Lacan ou le pas de Freud. Mythes et mathèmes » en 2017 et « Le réel en psychanalyse. Entre épreuve et preuve » en 2019.
M. Doumit a joué un rôle essentiel dans la formation et la diffusion de la psychanalyse dans notre région, ainsi qu’au Maroc et au Liban.
IN MEMORIAM
Philippe Collinet : Élie Doumit était un Enseigneur. Il jonglait et faisait tourner les quatre discours dans un dire qui n’appartenait qu’à lui et qui nous laissait sidérés ou ébahis.Rattrapée par le Réel du grand Autre, sa voix reste inoubliable.Sympathie avec ceux qui l’ont approché du plus loin au plus intime.
Annie Peltier : Merci d’abord pour avoir accepté d’être mon analyste.
Merci pour le chemin parcouru avec vous en analyse et d’abord d’avoir accepté de faire ce voyage avec moi. Merci pour votre enseignement, qui ne cessera jamais de nous enrichir.
Merci pour les cours, les séminaires, les journées d’études, les rencontres-débats, les présentations de malades, les après-débats: les repas partagés avec vos invités.
Que de souvenirs, à la mairie de Lille, à la Mgen, puis à la fac de lettres. Les lettres si chères à vos yeux, symboliquement. Et enfin, rue Malus et à Binet. Merci Monsieur Le Professeur.
Merci Monsieur « Doux Mythe », en nous, il nous arrivait de vous nommer comme cela. Ce jeu de mots, vous le connaissiez, il ne vous a pas échappé, vous l’utilisiez parfois. Si le mythe a un caractère sacré, au jour où vous nous quittez, c’est que désormais vous entrez dans la légende.
On ne mesure pas encore la chance qu’on a eue de vous avoir rencontré, eh bien pour tout cela simplement, merci. Mes pensées vont à votre famille à qui j’adresse mes sincères condoléances.
Si la psychanalyse peut être enseignée c’est au titre d’un savoir référentiel qu’elle produit : celui qu’on énonce et étudie comme sa théorie, serait-elle résolument inachevée, puisque toujours à réinventer sous peine de résistance à elle-même.
Si elle peut se transmettre c’est qu’elle convoque à un autre type de savoir, qui s’apparente autant à un certain manque-à-savoir qu’à une non-moins certaine et véritable adresse. On pourrait presque soutenir qu’elle ne se transmet que de surcroît, et c’est peut-être à ce titre de supplément qu’elle se trouve à enseigner qui l’a rencontrée en son passage.
Ainsi, si vouloir l’enseigner et espérer la transmettre, sont les deux faces moebiennes d’un même projet de l’analyste qui crée une école de psychanalyse : soutenir au plus près cette double position, ou cette dystopie discursive, n’ira pas pour lui sans prendre quelque risque puisqu’elle relève de l’impossible. Peut-être ceci saurait rendre compte en partie du fidèle attachement que nous a montré Elie Doumit à questionner le Réel, voire à nous mettre aussi souvent que possible à l’épreuve de ce Réel qu’on ne peut pas ne pas rencontrer dans l’analyse, sauf à la quitter pour tout autre chose, comme une simple psychologie. Mais, il se trouve justement que la psychanalyse n’est pas une simple psychologie, ni même une simple psychanalyse.
Entrée : 70€ / 30€ pour les étudiants et chômeurs
Ces journées seront retransmises par Zoom. Le lien sera adressé à celles et ceux qui en auront fait la demande auprès du secrétariat, Denis Grilliat (), et se seront acquittés, par chèque, du montant requis à adresser à Gery Charlet, trésorier, 28, rue Michel Ange, 59000 Lille.
Samedi 21 matin : La psychanalyse : témoignages et formalisations.
Présidence : Marc Vincent ; discutant : Jean-Pierre Meaux
9 h 00 Accueil
9 h 30 : présentation des journées : Guy Voisin : « Ce qu’enseigne la psychanalyse, comment l’enseigner ? »
9 h 45 : « Coup de sonnette », Denis Grilliat
10 h 15 : Jean-Marie Samocki : « Le style écrit d’Elie Doumit »
11 h : pause
11 h 15 : Christian Fierens : « Temps et espace », à propos de l’ouvrage d’Elie Doumit : « Espace et temps. La sorcière lacanienne. »
11 h 15 : Marc Vincent : « L’impossible nécessaire enseignement du Réel en psychanalyse ».
12 h 00 : pause déjeuner.
Dimanche après-midi : Sa transmission, une aporie ?
Présidence : Christian Colbeaux ; discutant : Marc Vincent.
14 h 00 : Jean-Louis Chassaing : « Tenir bon ».
14 h 45 : Jean-Pierre Meaux : « Elie Doumit : un passeur d’expérience. »
15 h 30 : Pierre Marchal : « Le réel de la passe. »
16 h 15 : Conclusion : Guy Voisin.
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Journées de préparation au séminaire d’été
« l’angoisse »
en collaboration avec l’Association Freudienne de Belgique
Le 7 mai 2022 à Bruxelles
Au local de l’association
Av. de Roodebeek 15, 1030 Schaerbeek, Belgique
9 h 30 : Accueil
10 h -Pierre Arel : Quand l’Autre se barre. Le passage de la jouissance à l’angoisse s’accompagne de la migration de l’Autre du côté du Sujet et de la migration du sujet du côté de l’Autre. Comment l’un et l’autre se trouve barré dans cette opération ?
10 h 45 -Guy Voisin : Une rencontre de Lacan au Japon – leçon du 8 mai 1963.
11 h 30– Catherine Mailleux et Grégoire Sottiaux : De quelques réflexions autour d’un certain aphorisme suivies d’un questionnement sur le traitement contemporain de l’angoisse, ou comment peut-elle encore opérer aujourd’hui. Leçon du 13 mars 1963.
Pierre Marchal se chargera de réguler le temps de parole et la discussion qui suivra chaque intervention.
L’après-midi de 14h30 à 17h, nous entendrons :
14 h 30 -Didier de Brouwer : Quelques élaborations dont le thème pourrait être : Du transvasement à la transfiguration, éclat et éclipse au miroir de l’objet a. Il s’agit d’un passage de la leçon 16 (p. 320 de la dernière édition du séminaire par l’ALI) à propos du schéma qui marque, je le pense, l’abandon du
schéma optique par Lacan au profit de la topologie.
15 h 15-Denis Grilliat : Où situer le manque dans le deuil ? Leçon du 27 février 1963.
16 h -Pierre Marchal : Du contre-transfert et le désir de l’analyste. Ce que Lacan repère dans l’approche du contre transfert chez Lucia Tower. Principalement dans la leçon du 20 mars 1963
Guy Voisin se chargera de réguler le temps de parole et la discussion qui suivra chaque intervention.
Toute personne qui désire suivre cette journée par Zoom doit se faire connaître à Denis Grilliat pour recevoir le lien Zoom :
pour commander le livre: https://www.editions-academia.be/livre-espace_et_temps_en_psychanalyse_la_sorciere_lacanienne_elie_doumit-9782806637642-72638.html
Sous la direction de Marika Bergès-Bounes, Jean Marie Forget avec Sandrine Calmettes, Catherine Ferron et Christian Rey
Quels appuis les enfants et les adolescents peuvent-ils trouver dans un monde où l’impératif de jouissance et d’immédiateté, d’urgence même, prend le pas sur la fiabilité de la parole des adultes ?
Nombreux sont les jeunes patients désemparés, désespérés et les parents en désarroi. Les initiatives des jeunes se manifestent par des mises en actes, des agitations, des « crises », par des troubles du comportement ou des conduites addictives (toxiques, écrans, etc.), par des phobies et des décrochages scolaires. Les enseignants et les éducateurs en témoignent et les cliniciens sont désormais très sollicités sur ces questions.
Ces symptomatologies floues, oscillantes, flottantes, peu systématisées, sont difficiles à aborder. Elles témoignent d’un malaise dans le rapport des jeunes au symbolique, à la parole, à leur inscription dans les lois du langage et à l’accès à une position sexuée. À partir de leur pratique, les auteurs transmettent leur parcours de réflexions et d’interrogations pour comprendre les appuis que cherchent les jeunes dans la construction personnelle de leur identité.
Marika Bergès-Bounes, Jean-Marie Forget, Sandrine Calmettes, Catherine Ferron et Christian Rey sont psychanalystes, membres de l’ALI.
Avec la participation de : Françoise Bernard, Isabelle Debrus-Beaumont, Sophie Dencausse, Nathalie Enkelaar, Josiane Froissart, Hélène Genet, Joseph Giogà, Jean-Pierre Lebrun, Martine Lerude, Robert Lévy, Charles Melman, Martine Menès, Annick Petraud-Perin, Karine Poncet-Montange, Louis Sciara, Corinne Tyszler
En reprenant très rigoureusement et très pédagogiquement les grandes articulations de l’enseignement de Lacan, Élie Doumit déplie patiemment les enjeux de cette histoire et de cette parole, non sans y rencontrer l’impossible et ainsi y laisser entrevoir, par la lettre, ce que serait l’épreuve et la preuve du Réel.
Fondateur de l’Ecole Psychanalytique des Hauts de France
C’est avec une grande tristesse que j’ai appris la disparition de Moustapha Safouan. De mon estime et de ma sympathie pour Moustapha Safouan, comment en parler ? C’est vainement que nous prétendons maintenir dans nos paroles, ceux qui s’absentent.
J’ai rencontré Moustapha Safouan dans les années soixante-dix à l’EFP, à l’occasion de congrès et de séminaires.
J’ai pu alors apprécier la liberté d’une pensée non tributaire des clichés du moment et le courage de ce psychanalyste étranger, dont l’accent n’avait d’égal que ses interventions aussi bien vivantes qu’argumentées.
Moustapha Safouan s’est senti très tôt responsable dans l’introduction de la psychanalyse dans le monde arabe. Il a œuvré à ce projet par plusieurs traductions en arabe des textes de Freud, notamment La Science des rêves, et par sa participation à des congrès au Maroc et à Beyrouth, ce dernier organisé grâce aux soins de notre regretté collègue Adnan Houbballah dont on peut trouver les actes dans : Actes du premier congrès des psychanalystes de langue arabe, Palais de l’Unesco, mai 2004 Éditions Dar El-Farabi.
Je dois aussi souligner qu’il a été à l’origine du travail que j’ai pu développer au Maroc avec les psychanalystes de le Société Psychanalytique Marocaine.
Moustapha Safouan a répondu avec générosité aux invitations de École psychanalytique du Nord, où les lillois ont pu estimer l’étendue de son savoir, et la probité avec laquelle il exprimait son propos. J’ai constaté à cette occasion, au cours d’entretiens et de discussions plus personnelles, l’intérêt qu’il portait à l’histoire des sciences et au rapport entre science et psychanalyse, comme il l’a si clairement démontré dans son ouvrage Le Puits de la vérité.
Puissions-nous nous souvenir de Moustapha Safouan dans notre travail où son œuvre ne doit pas cesser de nous inspirer.
Lille, 11 novembre 2020.
Elie Doumit
Hommage à Jean-Marie Bedoret
C’est avec une grande tristesse que nous avons appris le décès de Jean-Marie Bedoret. Il avait rejoint les rangs de l’Ecole Psychanalytique du Nord, Pas-de-Calais et Somme dès sa création en répondant à l’appel d’ Elie Doumit, son fondateur, en1997.
Associé aux travaux de notre Ecole, notamment par sa participation aux différents groupes du dunkerquois, (nous nous réunissions dans un petit bureau de son service d’alcoologie du Centre Hospitalier pendant la pause déjeuner) il avait rapidement conduit une réflexion sur l’art et la psychanalyse, gageant que cette ouverture vers un « ailleurs, aidait à penser sa vie et éviter l’échouage ». Et il m’avait sollicité pour participer à ces échanges durant lesquels j’ai appris à partager mon travail.
J’ai rencontré Jean-Marie pour la première fois dès mon arrivée à Dunkerque, en 1992, puisque nous travaillions dans le même service de protection judiciaire de l’enfance en danger. Il avait proposé de contribuer aux réflexions de groupes de « supervision », comme ils étaient appelés alors, groupes d’élaboration des pratiques socio-éducatives auprès des enfants et des adolescents et leur famille en déshérence : il professait volontiers que le travailleur social était le dernier maillon de cette chaîne qui retenait et reliait les individus au social.
Il avait obtenu de son administration hospitalière d’accueillir, fin 1999, les travaux de l’Ecole sur le thème : Œdipe 2000, et au-delà.
En partenariat avec le musée du LAAC de Dunkerque (Lieu d’Art et d’Action Contemporaine) il animera pendant de nombreuses années un atelier d’échanges autour d’œuvres exposées, avec pour projet de considérer « l’originalité des créateurs : les têtes chercheuses de l’homme . »
En 2002, il interviendra aux journées de l’Ecole, Responsabilité et Inconscient, et à partir de son expérience, il y soulignera que « la responsabilité du psychiatre est sans doute du coté de ces idéaux d’authenticité et de non dépendance comme repères éthiques ».
En 2012, je lui proposerai de participer à l’élaboration du programme des journées Les enfants ont-ils la parole ? au cours de laquelle il interviendra. Dans sa communication intitulée l’Ecole dans tous ses états il remerciera le fondateur de l’école pour son projet d’enseignement auquel il adhéra « sans me sentir pris », disait-il, « dans une doxa ghettoïsante. »
Je l’avais de nouveau sollicité récemment, alors qu’il était déjà dans la maladie, pour participer à un groupe de travail initié par nos amis belges sur la sublimation. Il était toujours enthousiaste et a suscité l’intérêt et l’engouement des collègues participant par ses remarques et sa curiosité perpétuelle.
Comme en témoigne son ouvrage l’Abécédaire, L’art à mots couverts (éditions ateliergalerieditions, 2018), il se disait, en citant Nietzsche : « être athée mais fasciné par le sacré », le sacré de la création, depuis le creuset de l’atelier, en admirateur, en art-mateur, précisait-il, du travail d’artiste de ses amis.
Jean-Marie m’avait honoré de son amitié et nous trouvions en lui l’accueil bienveillant d’une fraternité discrète.