Hommage à Charles Melman

Hommages à Charles Melman

Guy Voisin : Chères et chers collègues, C’est avec une grande tristesse que j’ai appris hier soir le décès de Charles Melman. Il avait fondé, avec quelques autres collègues, l’association freudienne, qui devint internationale puis lacanienne. Il avait été à l’initiative de la création des écoles régionales et Elie Doumit avait fondé notre Ecole. Son engagement dans la Cité aura été indéfectible et c’est ce choix qui m’avait amené à suivre son enseignement. Hors les murs du divan, une psychanalyse pouvait rendre compte des maux de la civilisation. Lecteur infatigable  de Lacan, il nous apprenait à dénouer les fils énigmatiques que ce dernier avait tressé à notre usage. Il aura marqué notre Ecole d’un éclat de voix, pas tant incongru qu’actualisant nos dissensions. Il m’aura laissé, quant à moi, une marque irréfragable : qu’au delà de toutes les divisions possibles et imaginables, de celles que l’on peut rencontrer quotidiennement, une voie était possible, d’une discrète fraternité, psychanalytique. De celle que Lacan avait pu appeler de ses vœux. J’adresse à sa famille nos plus sincères condoléances. 

Annick Outers : Merci Guy pour cet hommage très personnel à Charles Melman dans lequel nous retrouvons ton propre engagement basé sur une « discrète fraternité » . Je me souviens quant à moi des allers-retours de Charles Melman sur Lille dans les années 90 …Il venait nous parler de la psychose puis de la névrose obsessionnelle ..de façons tellement claire et engagée que j’ai pu m’approprier la psychanalyse et adhérer à l’association Freudienne Internationale ..C’est là que pour moi commença le chemin de la psychanalyse. Il est resté ce désir engagé dans un travail exigeant porté par un sourire accueillant… Merci monsieur Melman .

Philippe Collinet : Après Sigmund Freud et Jacques Lacan, Charles Melman est de la lignée des médecins neuropsychiatres psychanalystes cliniciens qui considèrent la psychanalyse comme la sœur aînée de la médecine où l’on dépose les doléances du corps et de l’esprit réunis quand le lieu de l’Autre vient à manquer. Charles Melman faisait corps avec la médecine, la psychanalyse, sa pratique, son enseignement, son école, sa présence d’esprit y était incomparable. L’Homme sans gravité, sa nouvelle économie psychique, témoigne d’une lucidité pénétrante dans la description de l’homme postmoderne sans limites à la jouissance.  La dysphorie de genre nous alerte devant les dérives anthropologiques qui compromettent aujourd’hui les attributs du genre humain. Aux progressistes scientistes qui nous promettent un monde sans limites où tout est possible, il répète que la saturation des objets de la demande ne saurait combler le manque de l’objet du désir : « C’est une illusion de pouvoir espérer réaliser une jouissance qui serait un peu plus satisfaisante que celle que nous offre la différence des sexes et l’identité sexuelle toujours conflictuelle.»  L’une de ses dernières préoccupations était « Le symptôme de Lacan ?» Au cours de cet ultime séminaire, c’est le symptôme du psychanalyste qu’il interroge, le sien et le nôtre, nos inhibitions et nos angoisses face au réel de l’objet insaisissable. Il ne cède rien aux concepts de la psychanalyse ni au désir de l’analyste. Merci Charles Melman. Avec tous ceux qui l’ont aimé, suivi, croisé, accompagné, ou simplement écouté, je partage la peine.

 

 

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